L'Institut du Monde Arabe accueille actuellement, et
jusqu'au 25 septembre, une exposition dédiée à l'Orient, mais sous l'angle de
l'horticulture. Étonnant, mais pas tant que ça : le jardin à l'orientale est
iconique, et continue d'exister comme modèle dans de nombreux pays. De plus, il
est un support artistique très fertile, c'est le cas de le dire. Poésies,
œuvres picturales, romances légendaires et philosophie lui donnent la part
belle depuis des siècles, car il incarne le Paradis – du mot persan
"pairidaeza" qui représente un enclos de chasse richement pourvu en
animaux et en plantes – sur terre. Une promenade sensuelle dans l'histoire de
ces bosquets fantastiques, ça vous tente ?
Sur
deux étages, dans une scénographie aussi cohérente qu'épurée, plongés dans une
ambiance sonore et olfactive (chants d'oiseaux et des fontaines, senteurs de
plantes aromatiques), les jardins d'Orient nous sont racontés. Une première
partie d'exposition nous en apprend beaucoup sur les oasis, modèles d'autarcie,
et sur leur fonctionnement. Ces trous d'eau dans le désert servaient de repère
et de point d'ancrage pour la construction de villages très prospères.
Nourriciers, les premiers jardins furent d'abord créés dans un but pratique.
Avec de nombreuses maquettes et photographies, nous en apprenons beaucoup sur
les techniques d'irrigation millénaire : sakieh, chadouf, noria, qanats...
sont autant de puits, moulins et systèmes à balanciers adaptés aux régions où
ils furent inventés. L'incroyable Vis d'Archimède nous est présentée, et aurait
servi à arroser les mythiques Jardins Suspendus de Babylone, par un système
faisant tourbillonner l'eau à la verticale.
Nous
passons à l'étage, nous nous familiarisons avec le langage symbolique des
jardins, et sa grammaire spécifique. Le jardin persan, dit "quatre
jardins", sert de modèle de référence : deux canaux séparent le jardin en
quatre parties rectangulaires, pour une simplicité d'irrigation. Car l'eau est
au centre de tout jardin.
Les
rois se délassent dans de somptueux pavillons ouverts sur les bassins, et toute
une vie de cour se déroule parmi les fleurs odorantes, les fruits, les
fontaines et l'ombre. Vivre au jardin, c'est s'entourer de plaisirs sensoriels
multiples. L'architecture de l'habitat s'articule autour d'un point de verdure
: les riads et les patios des haciendas andalouses en témoignent encore
aujourd’hui. L'amour horticole des grands est si important que la mode
orientale prolonge le jardin dans la maison et sur le corps : les tapis et les
vêtements se parents de fleurs, d'entrelacs de racines et d'oiseaux fabuleux.
Cet
engouement pour les jardins se répand au-delà de l'Orient : la Renaissance
accorde une place importante à la création de jardins ainsi qu'à leur présence
en peinture, et plus tard, les Romantiques se prennent de passion pour les
jardins enclos, intimes et mystérieux. En témoigne aussi la folie qu'a suscitée
le commerce de la tulipe dans toute l'Europe.
La
création de jardins publics au XXe siècle permet au peuple d'accéder à une
qualité de vie meilleure, en Orient et en Occident. Les colonies voient naître
les jardins d'essais, où de nombreuses espèces de plantes sont élevées et
modifiées pour convenir aux climats européens. L'exposition s'ouvre sur divers
interviews de penseurs du jardin, qui s'interrogent sur le statut actuel de
celui-ci, tout en paradoxe. De plus en plus de villes mettent un point d'honneur
à se refleurir, en plein réchauffement climatique et situation d'urgence
environnementale. Beaucoup de questions sont posées, et l'on peut aller y
réfléchir dans une véritable roseraie installée à l'extérieur du musée. Une
petite buvette propose du thé à la menthe et des pâtisseries, que l'on peut
déguster à l'ombre, dans le parfum des fleurs. Une belle conclusion à cette
exposition aussi délassante qu'intelligente.
Margot
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