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A ceux qui martèlent depuis quinze jours "Il faut
continuer à sortir, à se cultiver, à exister !", je réponds bien
évidemment "Oui !". Adopter
une douceur de vivre associée à une ouverture d'esprit est plus qu'essentielle.
L'exposition du Petit Palais "Fantastique ! L'estampe visionnaire"
(visible jusqu'au 17 janvier 2016), où je me suis rendue un jour de grand soleil,
était le baume idéal à mon "mal au cœur", car elle créait le dialogue
entre deux mondes (picturaux) relativement différents, si ce n'est le format, dans
un cadre sublime. Sans tomber dans une attitude bravache – comme ce vieux
monsieur complètement idiot qui refusa de se faire fouiller devant moi dans la
queue de l'exposition, parce que parait-il, "il n'avait rien à
cacher" – je me suis laissée emportée dans les lignes des artistes
exposés, dans ces petites histoires qui parlent des grandes, ou l'irréel a sa
place, et raconte quelque chose d'un temps passé. Et je me suis sentie vivante.
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Deux
expositions en une donc, et l'on commence par le Levant. L'artiste Kuniyoshi
est un contemporain de Monet, qui l'admirait beaucoup et possédait à Giverny douze
estampes du maître parmi celles d'autres
artistes japonais de son temps. Son parcours est expliqué et intégré à une
frise compulsant l'histoire socio-politique et artistique des quelques siècles
précédant sa naissance et des années suivant sa mort. Cette première partie de
l'expo est très riche, et intuitive : avec cette frise, on ne retrouve qu'assez
peu de panneaux explicatifs, qui orientent le spectateur juste comme il faut et
le laissent découvrir à son rythme l'univers du peintre.
Dans
un premier temps, le visiteur découvre de grands mythes illustrés. Ces légendes
du folklore chinois réinterprétés, et récits de batailles célèbres sont
dessinés sur des planches en bois dessinées en portrait, de 30 cm sur 20 cm
environ, où les démons, fantômes et morts vivants sont saisissants. La finesse
et la vivacité du trait, des couleurs, ainsi que l'expressivité des sujets en
font des ancêtres des personnages de manga, posant les prémices d'un art
accessible, porteur d'émotions et très divertissant.
©CourtesyofGalleryBeniya |
La
deuxième partie de l'exposition est consacrée aux plaisirs d'Edo, avec des
portraits des artistes de théâtre kabuki et courtisanes célèbres de son temps,
sortes de "posters" où les grands acteurs et les geishas fameuses
d'Edo sont croqués de façon reconnaissable. La censure fit que Kuniyoshi ne put
plus dessiner ces figures incontournables et sulfureuses de la vie culturelle
d'Edo : il les caricatura alors sous les traits d'animaux ! Chats, poissons,
grenouilles, en costumes s'il vous plait, qui ne laissent aucun doute sur
l'identité des "people" réifiés.
La
troisième partie de l'exposition est consacrée aux estampes représentant des
paysages typiques d'Edo. Reprenant un motif traditionnel, Kuniyoshi prend en
fait le contrepied de cette pratique picturale, en adoptant un regard beaucoup
plus surplombant, un trait délié, et s'évertuant à saisir des moments de vie
(pêcheurs les pieds dans l'eau, jeunes filles se promenant sur la jetée, vagues
déchaînées). En cela, le peintre montre son attachement à sa terre, mais aussi
à la pratique naissante qu'est la photographie, et on le rapproche facilement
de l'énergie impressionniste.
Magnifique
première partie donc, très amusante. J'ai ressenti une sensation de familiarité
avec cette époque, via cet hommage artistique très vivant, restitué dans une
forme donnant à voir la vie quotidienne des artistes, et des sujets croqués.
Margot
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