La
Compagnie « Je suis ton père », fondée en 2002 par Nicolas Fumo et
Vincent Mignault, fait partie de ces troupes confidentielles qui font vivre leurs
projets de manière discrète mais continue dans les petites salles parisiennes.
Après plusieurs créations, cette compagnie fondée par les deux amis joue en ce
moment un spectacle patiemment adapté de la correspondance de deux autres
copains : George Charles Brassens, à l'époque où il entamait timidement sa
carrière de chanteur, et Roger Toussenot, philosophe qu’il rencontre en 1946, au siège du journal anarchiste Le Libertaire où ils sont tous les deux chroniqueurs.
Le
Guichet Montparnasse accueille ce spectacle jusqu'au 28 mars dans sa petite
salle où l'on entend les passants de la Rue Gaîté rire et se bousculer. On y est aussi tout près des comédiens, ce qui est plutôt sympathique. Le
pitch : le jeune George Brassens, installé depuis peu Impasse Florimont à
Paris chez Jeanne et Marcel, deux petits vieux aussi généreux que fauchés,
écrit à son ami Roger à propos de ses envies, ses interrogations sur l'art et
ses frustrations à propos du genre humain. Ce
dernier, qui lui envoie des timbres comme du saucisson par la poste, l’abreuve de
ses propres réflexions. Il l'incite vivement à chanter ses pensées plutôt que
de les adresser, comme un coup de poing, aux « cuistres » que George
abhorre.
Le spectacle présente avec habileté les prémices de la carrière de Brassens.
Cette
correspondance devient la nourriture spirituelle de Brassens, qui ne mange
presque plus, et peuple sa petite chambre de mots, de livres, et de cocottes en
papier. De l'imaginaire de George surgit une petite Muse blonde et bondissante,
qui range ses idées comme ses affaires (ou les mélange malicieusement) et qui entonne
çà et là des chansons plus ou moins connues de l’artiste en devenir.
La
mise en scène est épurée et crépusculaire, aussi simple que pouvait l'être la
masure de George dans sa jeunesse aux poches trouées. Le texte, là encore, se
centre sur l'essentiel, les lettres du poète à son ami, échos d'une époque dans
laquelle on entre petit à petit. Tout a été étudié d'après l'Intégrale
Brassens, mine d'or qui regroupe tous ses écrits, des correspondances aux
chansons, en passant par ses articles parus dans le Libertaire. On
découvre une facette souvent méconnue de George Brassens. Il était avant tout
un penseur, qui réfléchissait sur la vie avec les mots les plus simples, comme
les plus savants. L'écouter converser, c'était déjà savourer sa poésie. Même si
la première demi-heure du spectacle nous perd quelque peu, car elle nous plonge
in medias res dans un méandre d’informations inconnues de la plupart des
spectateurs, nous nous habituons à la logorrhée de Georges, à ce langage écrit
qu'on entend rarement au théâtre mais que l'on apprend à reconnaître et à
aimer. De petites trouvailles poétiques étayent discrètement ce spectacle
littéraire de touches de couleur pastel. Un joli moment.
PROLONGATIONS !
RépondreSupprimerLe spectacle "Brassens, lettres à Toussenot" se jouera
du 8 mai au 14 juin 2015 au Guichet Montparnasse
vendredis et samedis 19h - dimanches 15h