©Musée du Quai Branly |
La mode du
Tiki bat son plein en ce moment dans la Capitale. Les bars, tels que le Tiki
Lounge dans le 11e, dont nous sommes clients réguliers, répondent au
désir d’évasion, très parisien. Ce même désir, les américains l’ont éprouvé,
mais il y a de cela presque un siècle, et ce jusque dans les années 60. Les
Mers du Sud ont tout particulièrement suscité les fantasmes des navigateurs
d’abord, puis ont contaminé l’imaginaire populaire d’une manière fulgurante. Le
musée du Quai Branly a choisi l’été pour se pencher sur cette étonnante vogue
polynésienne, dont l’immense influence n’eut d’égale que son anéantissement
total dans les années 70. Enquête sur une Atlantide moderne que vous pouvez
découvrir jusqu’au 28 septembre.
Comme beaucoup de phénomènes
artistiques et autres naissances de mouvements, tout commence en littérature.
L’exposition s’ouvre sur les récits de voyages de marins et artistes du XIXe
siècle – vous y trouverez les mémoires
d’un certain Gauguin, dont le voyage en Mers du Sud a durablement marqué
l’œuvre picturale. Ces livres relatent leurs expériences auprès des
autochtones, au cœur d’une nature préservée : de quoi vendre du rêve à
leurs compatriotes. Femmes nues alanguies sous le Soleil, fruits exotiques…
Tout tend à signaler sur la mappemonde un paradis terrestre, que l’américain
moyen ne demande qu’à découvrir. De là se développe une passion subite pour les
hula girls, ce mythe vivant aux
formes plantureuses, offert au regard concupiscent de l’Amérique pudibonde,
qui, tiens donc, se met à tolérer la nudité.
Objet de culte, le Tiki est devenu un objet de mode sur tout le territoire nord-américain. Comme chaque effet de mode, il est ensuite tombé dans l'oubli... Jusqu'à maintenant ?
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©Musée du Quai Branly |
La déferlante s’abat
véritablement sur la culture nord-américaine après la Seconde Guerre mondiale.
Loin de décroître après la désillusion des jeunes soldats à Pearl Harbour,
l’engouement des américains pour ces horizons lointains se cristallise dans le
Hollywood des 1950’s. Le souffle polynésien embrase la Californie, puis le
continent tout entier. Il transforme les bars, restaurants, cinémas, bowlings
et autres lieux de détente en paillotte, comptoirs marchands ou temples dédiés
à Tiki, demi-dieu symbolisant l’Homme, universel et puissant. Véritable logo du
loisir à l’américaine en cette deuxième partie du XXe siècle, le Tiki, édulcoré
et détaché de son aura sacrée, s’affiche partout : dans l’architecture du
restaurant chic à la station-service du coin ; sur la forme des verres à
cocktails, où toutes les starlettes sirotaient en gloussant leur Zombie ou leur Mai Tai, se sentant au summum du glamour. Non content d’envahir
l’art, Tiki s’immisce dans le quotidien de Mr & Ms Smith, et l’imagerie
populaire sent la fleur de tiare à
plein nez. Jusqu’à l’écœurement.
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On ne croirait pas comme ça, mais
la magnifique collection d’œuvres d’art et de goodies réunie par Sven Kirsten
était, durant plusieurs décennies, un continent englouti. Merci à ces chineurs
des années 90 qui, fouillant patiemment les cartons pleines de vieilleries de
leur voisin, ont permis aux générations suivantes de comprendre cette passion de
leurs parents pour les îles, et de revenir aux sources premières de cette mode
amusante : la véritable culture des archipels polynésiens.
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On retrouve avec délice
l’ambiance feutrée du Quai Branly, dans la mezzanine drapée de mystère, tout en
lumières douces, pour l’occasion. L’exposition est aussi sobre dans sa
scénographie que luxuriante : on côtoie pendant environ deux heures les
vieux livres, les partitions de ukulélé, mais aussi les cendriers et les menus
des restaurants branchés, sans compter les photos d’époques… Le tout dans un
bordel organisé, ludique et où l’on est toujours bien orienté. Faire
l’inventaire de ce qu’on y voit serait inutile, et d’ailleurs impossible. Si
vous êtes attentif, vous y trouverez quelques surprises et trouvailles
réjouissantes, qui se laissent découvrir tels des moai reposant sous les eaux. Une
envie furieuse de vous rendre Rue de la Fontaine au Roi vous titillera peut
être, car essayer la Vahiné, c’est
l’adopter.
Margot.
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