mercredi 20 novembre 2013

« Désir et volupté » : pinceau sensuel et élégant au musée Jacquemart-André

           Parmi la multitude d'affiches d'expos du moment, l'une d'elle aura peut être retenu votre attention, en bons petits galopins que vous êtes : une jeune femme blonde, presque nue, le regard pudique et fuyant. C'est l'affiche de l'exposition « Désir et volupté à l'époque victorienne » qui se tient au musée Jacquemart-André.  Tiens, tiens. Comme vous sans doute, la sensualité du thème associée mentalement à la bobine sévère de la reine Victoria, cela m'a intriguée. L'occasion s'est présentée de mon côté pour y aller, et je ne l'ai surtout pas laissée passer !



            Si vous avez la chance de pénétrer l'enceinte du musée, vous serez immédiatement plongés dans une autre époque. Même si la façade extérieure est actuellement en travaux, l'architecture propre au XIXe siècle de cet hôtel particulier construit par Henri Parent est déjà une œuvre d'art. Édouard André et son  épouse Nélie Jacquemart se sont consacrés toute leur vie à acquérir de nombreuses peintures, sculptures et « bimbelots » (c'est à dire de petites statues, pièces d'orfèvrerie, et autres menues œuvres de salon)  au cours de leurs voyages, transformant leur nid d'amour en petit musée, particulièrement empreint des peintures italiennes de la Renaissance. En marge de l'exposition, il vous est possible de visiter le salon de musique, le jardin d'hiver, les différents salons et appartements privés du couple Jacquemart-André, accompagnés par un suave air de piano.

Proposée dans un écrin magnifique, l'expo représente à merveille l'idée de Beauté sous l'époque victorienne.


            L'exposition « Désir et volupté » est nichée à l'étage à côté du musée italien. En partie guidés par un petit clip de présentation, vous serez plus familiers avec Burne-Jones, Alma-Tadema, Leighton, entre autres grands noms de la Fraternité Préraphaélite. D'ailleurs, qu'est ce que le Préraphaélisme ? Cette explication est implicitement expliquée dans l'exposition, je vous la restitue plus clairement : en réaction à une perte de créativité sous l'ère victorienne, de jeunes artistes se plongent non pas dans la peinture de la Renaissance, quelque peu essoufflée selon eux, mais dans la peinture médiévale, antérieure à l'art de Raphaël donc, simple et à la fois riche en symboles, onirique et fortement en lien avec la nature. Cette « école » fondée par Millais, Hunt et Rossetti est vite dissoute, mais les principes esthétiques du Préraphaélisme feront date à travers la génération d'artistes suivante : un trait « léché », net et détaillé, et un univers où la femme est à la fois le sujet et l'objet d'Art.

            Cette manière de concevoir l'art, véritable « Culte de la Beauté » a quelques traits communs avec le mouvement de « l'Art pour l'art » (« Aesthetic Movement » outre-atlantique) qui se développe en France notamment. Dans cette époque d'industrialisation et de rigueur morale, les amateurs d'art veulent retrouver une certaine poésie au cœur de leur foyer, où l'homme devient un rouage de la machine économique, et la femme une fée du logis trop serrée dans son corset et son image sociale. A travers les toiles présentées, la Femme est célébrée, et synthétise cette envie de beauté des Anglais(es). Nymphe, reine égyptienne, héroïne de la poésie courtoise ou d'une pièce de Shakespeare, muse antique, déesse... Elle est partout.  Tous les thèmes, tous les univers sont explorés dans une même quête du corps parfait. Dans les salons, les courbes sensuelles, les bains, alcôves et autres jardins font chavirer les « ladies », et grâce aux toiles, le foyer anglais devient une fenêtre ouverte vers le rêve.

            Les toiles, malgré la petitesse du lieu (venez aux nocturnes, ou en semaine, la visite en sera bien plus agréable), sont bien mises en valeur, et on se plonge aisément dans l'univers des artistes et l'actualité de l'époque, grâce aux notes détaillées de l'exposition. Une atmosphère élégante se dégage de l'ensemble, et on ne veut plus quitter ces femmes sublimes, que l'on effleure pudiquement du regard, comme la jeune femme de l'affiche. Ce mouvement artistique, peu connu du grand public, se laisse aborder facilement, et touchera quelque chose en vous. Tendres et cruelles, les histoires de ces femmes de rêve traversent les siècles, et nous consolent de la laideur grisâtre de Paris en novembre.

Margot









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