Lea Loopa, danseuse de l’Ecole
des Filles de joie a accepté de nous rencontrer afin d’évoquer son expérience
dans le milieu du burlesque.
Elle a commencé à suivre les
cours de l’école il y a deux ans, après avoir vu le film Tournée de Mathieu
Almaric, sorte de road movie racontant
la tournée d’une troupe de danseuse burlesque à travers la France. Le
burlesque, pratique jusqu’à lors restée discrète, est ainsi projetée sur le
devant de la scène en 2010 avec notamment, en point d’orgue, une montée des
marches du Festival de Cannes par l’équipe du film qui restera comme l’une des
plus glamour de ces dernières années. De nombreux reportages à la télévision ou
dans les magasines sont depuis consacrés à cet art que l’on peut placer à mi
chemin entre le cabaret et le striptease. Le burlesque est indéniablement une
pratique « undergound » à la mode et de là à monter sur scène pour
s’effeuiller il n’y a qu’un pas mais celui-ci n’est pas évident à franchir.
Léa, elle, n’a pas eu ce problème. Issue d’une famille proche du milieu
artistique, elle pratique très régulièrement le théâtre, le dessin et la danse.
Bien dans sa tête et dans son corps, la nudité ne lui a jamais vraiment posé de
soucis.
« La plupart des filles font cela pour exciter leur copain,
d’autres pour se sentir mieux dans leur peau, combattre leurs complexes, moi
j’ai simplement envie d’accomplir une performance artistique. »
Qui dit performance artistique,
dit beaucoup de travail et d’investissement lors des cours et pour une élève
motivée cela peut aller jusqu’à 10h par semaine. Plusieurs professeurs, toutes
danseuses professionnelles, donnent ainsi des cours variés d’effeuillage, de
french cancan, de Hip Hop Girl style, ou encore de Voguing (sorte de Modern
house très stylisée, née dans Harlem au début des années 80 et popularisée par
Madonna dans son clip Vogue). Parfois, sont proposés des stages, avec
éventuellement des professeurs extérieurs, de Pole dance, de Mime et même des
cours de pyrotechnique !!! Quand on vous dit qu’il s’agit de performance
….
Pourquoi s’éparpiller dans autant
de styles de dance différents pour simplement se déshabiller de manière
sexy ? « Justement parce que le burlesque ce n’est pas que se déshabiller
de manière sexy. Toucher à tous ces styles nous donne un QI danse bien plus
grand, c’est très utile pour créer un numéro. »
Créer un numéro n’est pas
forcément très difficile lorsque l’on ne manque pas d’imagination. Une fois
sélectionnée pour passer sur scène, simplement au bout de deux mois de cours
pour Léa, l’élève dispose d’une certaine liberté dans sa création. Elle peut
consulter les profs, Pomme d’Amour ou Eva La Vamp, mais c’est la directrice,
Juliette Dragon, qui a le dernier mot.
Ne jouissant pas de la reconnaissance du théâtre, le burlesque est une famille où la solidarité est très présente.
Les élèves doivent payer pour
avoir le droit de passer sur scène, 20€, et la plupart se débrouillent pour se
maquiller, s’habiller et se restaurer. Heureusement, au cours des spectacles se
met en place une vraie solidarité entre élèves. C’est un peu le « système
D » mais après tout l’école est une petite famille. Le coût du droit de
passer sur scène est presque dérisoire comparé aux autres investissements à
effectuer pour pratiquer la danse burlesque. Avec sous-vêtements, nippies
(cache tétons), robe, collants, gants, perruque, chaussures et tout autre
accessoire, auxquels s’ajoute le maquillage, il faut prévoir un budget d’environ
280€ pour un numéro sur scène ! Certains accessoires comme les nippies,
peuvent être faits par les danseuses elle-même et la plupart des achats
pourront être réutilisés, mais cela reste élevé, surtout que l’école ne
rémunère aucune élève.
Dernièrement, Léa a fait appel à
un ami à elle pour proposer un numéro mixte. Qu’en est-il de la présence des
hommes dans le petit monde du burlesque ? Et bien les rares qui s’y
essaient sont gays et ont selon Léa du succès plus rapidement et plus facilement
que les femmes. « A aucun moment on
ne critique leur nudité, seule leur performance compte. Ils ne sont jamais
jugés comme nous pouvons l’être. » Elle a essayé de proposer un
partenariat avec des hétéros mais aucun d’entre eux ne parvient à garder la
concentration nécessaire en présence d’une femme nue…
C’est également compliqué avec les hommes qui la voient se dévêtir. « Ils sont impressionnés et
généralement préfèrent garder leur distance. » Ses amis, eux sont
quasiment tous curieux et intéressés par cette passion. Avec la famille les
choses sont moins évidentes, bien qu’une partie appartienne au monde artistique
il n’est jamais simple de faire accepter que l’on se déshabille devant des inconnus
à ses parents.
En dépit de l’esprit de liberté
et d’affirmation de soi que confère le burlesque, ils n’ont rien de comparable
avec ce que peut procurer l’ovation de spectateurs d’une pièce de théâtre. La
reconnaissance y est, de plus, bien meilleure. « Paradoxalement, une scène d’amour ou de nu intégral est acceptée
au théâtre ou au cinéma alors qu’au burlesque où la fille ne finit jamais nue
c’est pas le cas. »
Elle estime en outre que la
relation Artiste/Public est vraiment différente. « Au théâtre on donne beaucoup à l’auditoire, alors qu’au
burlesque c’est un peu le contraire, on prend. »
Les comédiens et autres artistes
voient d’un mauvais œil la popularité actuelle du burlesque. « Ils pensent qu’on ne mérite pas ce
coup de projecteur, mais ils oublient que malgré cela, la danse burlesque reste
très confidentielle et ne fait gagner de l’argent à quasiment personne. »
Malgré cela, Léa compte rester
dans le monde du burlesque « tant
que ça m’amuse » elle sera visible dans le cadre des spectacles de
l’école mais elle a aussi des contacts pour intégrer ses numéros dans des
spectacles de cabaret parisien. Vous pourrez la voir notamment le vendredi 1er
mars 2013 au Klub des filles de joie.
Guillaume
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